Me voici passée sous silence depuis plusieurs mois... Je regrette de n'avoir pas eu la force, le courage, d'assumer ce que j'étais, ce que je suis, pendant tout ce temps. Fatigue, douleurs, toujours la même rengaine. Je n'ai plus droit à ces excuses... Je me dois de me dépasser, de dépasser tout ça, pour ceux que j'aime, qui m'aiment, ceux qui n'ont plus la chance de pouvoir crier leur désespoir, leur combat, leur douleur...
Il n'y a pas vraiment eu de changement notable depuis tout ce temps... Je me déplace toujours en fauteuil roulant, je continue de passer mon temps au fond du lit. Ma jambe reste douloureuse. Toujours ces fichues douleurs qui prennent un malin plaisir à venir me narguer alors que je crois avoir un peu de répit... Les médicaments font effet, elle s'atténue, devient si supportable qu'on dirait qu'elle va enfin disparaître... Puis elle revient de plus belle. Fouettant avec force et violence la frêle jambe qui jamais ne connait le repos...
Les dernières semaines ont été particulièrement difficiles. Non pas seulement à cause de la douleur... Mais pour plusieurs autres raisons que voici:
Tout d'abord, ce qu'il me reste de jambe, bien à moi, est désormais, pour toute la partie supérieure (du genou à la hanche), sous le contrôle de l'algodystrophie. Quelle sensation étrange et désagréable de se réveiller avec cette impression d'articulation rouillée et ce membre humide, juste la jambe atteinte, transpirant comme pour tenter, dans un dernier souffle, de réduire l'intensité de la chaleur que produit la maladie sur l'os et tout ce qui l'entoure... Oui, l'algodystrophie a gagné du terrain et en force. Désormais, je dois vivre avec cette saleté jusqu'à la hanche... Il faudra faire avec...
Ensuite, après cinq long mois d'attente depuis ma sortie d'hôpital, j'ai enfin eu ma consultation psychiatrique. Je dois bien avouer que depuis l'accident, mon état dépressif ne s'arrange guère. Mais qu'importe! Mes enfants n'ont pas demandé à naître et je me dois de vivre pour eux! Quelle bêtise n'ai-je pas fait que de consulter cet homme qui se dit psychiatre!! Folle de rage à la sortie de cette entrevue, je n'ai pu calmer ma colère de toute la journée! Le soir venu, je me suis sentie vraiment mal... Et puis le lendemain matin, incohérence dans mes paroles... Alors je ferme les yeux, me repose encore un peu... Au réveil, on m'a volé ma voix, mes mots, mes pensées... Plus rien n'est clair. Le son ne sors pas de ma bouche. Aphasie... Cela fera bientôt sept semaines qu'aucun son n'est sorti de ma bouche... Après une batterie d'examen, tous s'accordent à dire que je simule... Ou que je suis sérieusement atteinte mentalement... Mais se sont-ils seulement mis une petite seconde à ma place? Pourquoi faire autant d'efforts pour communiquer par les gestes si je simule?! Peu importe leur avis! Je travaille dur et m'efforce d'articuler des sons, qui deviennent des mots inintelligibles. Puis de ces articulations découlent enfin des mots. Difficile de rester claire et de s'expliquer par de petits chuchotements... Mais je ne relâcherai pas mes efforts! Je chuchote. Il est encore parfois difficile de trouver le bon mots, ou de faire une phrase ordonnée et logique, mais je m'y emploie à chaque seconde!
Même si les migraines ne me laissent que peu de répit, je continue à me battre pour recouvrer la parole!
Et la photophobie s'amuse avec mes nerfs et vient tenir compagnie à l'aphasie, la douleur, le manque de concentration, la perte de mémoire immédiate, la nécessité de rester concentrée à chaque instant... A-t-on déjà vu porter des lunettes de soleil en intérieur?! Du grand n'importe quoi! Mais cela permet de ne pas vivre dans la pénombre.
Ajoutez à cela quelques mésaventures de voisinage et vous obtenez un état d'esprit très particulier pour affronter la double expertise médicale qui m'attend ce mercredi... Ils ne seront pas déçu du voyage! S'ils veulent du spectacle, ils vont en avoir! Et s'ils comptent profiter de ma faiblesse, ils ne savent vraiment pas à quoi s'attendre! Ils vont être servis!!!
Dernière nouvelle: il me faudra peut-être être internée quelques temps dans un centre spécialisé pour mon état... Traduction, ils veulent m'enfermer dans un asile de grands dépressifs... Je ne compte pas me laisser faire! Je ne me bats pas depuis tout ce temps (deux ans et demi "déjà"!) pour être internée!
Je tiens à remercier mes proches pour le soutien qu'ils m'apportent au quotidien. Je suis certaine qu'ils sauront se reconnaître. Je vous remercie aussi, vous tous, proches, moins proches, amis de loin, connaissances, inconnus... Vous tous qui continuez à me lire et, par là, à me soutenir à votre façon. Je continue de croire que l'être humain est profondément bon, avant d'être cupide, violent ou simplement bête. C'est vous tous qui me le prouvez chaque jour!
MERCI!